Bien vieillir avec le VIH, est-ce possible ?

Oui, c’est possible, et qui l’aurait cru ?! Si la question du vieillissement avec le VIH avait été posée il y a 30 ans, qu’aurions-nous répondu ?

En effet, la majorité d’entre nous ne s’attendait pas à vivre aussi longtemps, mais grâce aux avancées thérapeutiques, nous avons vu notre espérance de vie s’allonger.

Dès lors, il faut que nous pensions à ce vieillissement inattendu et à nous préparer mentalement pour faire face à de nouveaux défis (comme les maladies liées au vieillissement), en essayant de chasser toutes craintes qui pourraient nous empêcher de nous épanouir et de vivre convenablement notre vieillissement.

Le secteur de l’accueil pour personnes âgées ne s’attendait pas non plus à devoir accueillir dans leur service des personnes vivant avec le VIH. Certain·es d’entre nous se demandent d’ailleurs si les professionnel·les de ce secteur sont assez informé·es sur le VIH ou sur i=i (indétectable=intransmissible) pour nous accueillir convenablement. Nous nous posons également la question de la  cohabitation avec les résident·es séronégatif·ves. Et s’il y avait une fuite d’information de notre  statut sérologique ? Comment réagiraient ces résident·es et leur famille ? Il est donc important que les professionnel·les de ce secteur soient formé·es sur les modes de transmissions, sur les avancées thérapeutiques et sur i=i. Ceci permettra d’accueillir, d’accompagner et de prendre soin des personnes vivant avec le VIH, sans que ces dernières ne soient stigmatisées, discriminées ou rejetées.

Et bien vieillir avec le VIH, ça veut dire quoi ?

Bien vieillir avec le VIH, c’est continuer à prendre soin de sa santé physique, émotionnelle et psychologique malgré les soucis de santé liés à l’âge. C’est avoir une vie digne jusqu’à la fin de ses jours.

Pour limiter le risque de développer des maladies liées à l’âge ou comorbidités, il est recommandé :

  • « D’être proactif dans la prise en charge de sa santé si vous en êtes encore capable, ou en tout cas d’avoir un encadrement adéquat des services médicaux et de soins ;
  • De maintenir son suivi médical et de prendre correctement vos traitements contre le VIH et contre les autres maladies que vous auriez développées, comme indiqué par votre médecin pour éviter toutes interactions médicamenteuses ;
  • D’avoir une bonne hygiène de vie avec une alimentation saine et équilibrée, en évitant si possible tout ce qui pourrait nuire à notre santé comme : le tabac, l’alcool, la drogue, etc. ;
  • De conserver une vie sociale pour lutter contre la solitude et l’isolement ;
  • De pratiquer des exercices physiques et intellectuels adaptés à votre état de santé physique et mental (marche, vélo, yoga, jeu de balle à pétrir, cartes, mots croisés, etc.) ;
  • D’entretenir votre mémoire et d’optimiser votre sommeil pour permettre à votre corps de récupérer. »

Témoignage de laurent qui vit en Résidence-service

Quel message voudrais-tu faire passer aux personnes vivant avec le VIH qui vieillissent ?

C’est une question très vaste hein. Y penser non, je pense qu’il faut s’y préparer en tout cas. Ça veut dire qu’il faut la tête bien accrochée sur les épaules et quand même un petit peu d’espoir, non pas qu’on va éradiquer la maladie mais en tout cas qu’il y a moyen de vivre bien tout en sachant qu’avec ce qui est lié comme comorbidités on est diminué donc on a besoin de se faire aider. Alors tant qu’on peut le faire chez soi et qu’on est bien encadré sur le plan psychologique ça fonctionne très bien. Mais si pour une raison ou une autre on présente des problèmes et qu’on a besoin d’être assisté alors effectivement il faut pouvoir trouver une structure qui intègre les paramètres et qui puisse surtout accepter à la fois son statut séropositif et un peu les raisons pour lesquelles on est arrivé là. Et ça c’est pas évident.

Est-ce que l’endroit où tu es correspond à tes besoins ?

Actuellement je suis dans une Résidence-service pour seniors, en général c’est une structure très chère ou les gens ont soit la possibilité de vivre encore en couple soit seul, mais avec des services, évidemment payant, d’accueil, le simple fait de distribuer le courrier dans ta boite, le fait que tu puisses manger le matin, le midi et le soir, avoir des soins infirmiers.

A toi de gérer l’entretien de ton propre appartement, de payer les frais communs de la résidence, et alors de pouvoir éventuellement participer à des activités plus ou moins organisées. En échange d’une espèce d’autonomie ou de bien-être tout ce qu’il y a de plus relatif, c’est-à-dire vivre au sein de son mobilier, de ses livres, on a accès à une bibliothèque, il y a une salle de jeu, il y a quelques petits engins pour faire des exercices physiques, mais moi je n’oserais pas monter sur une machine de peur de tomber.

La difficulté est de nouer des contacts et d’échanger avec les autres résidents souvent très âgés et qui s’interrogent sur la présence d’un homme seul apparemment en bonne santé… Comment dialoguer sans révéler sa séropositivité et son orientation sexuelle ? La moitié des résidents ne parle plus ou reste dans leurs chambres. Un tiers est confus. C’est très anxiogène. On fait semblant en fait d’avoir un chouette endroit mais c’est en même temps une espèce d’antichambre de la maison de retraite, de la maison de repos. Donc c’est un peu plus grand et entre guillemet plus humain, mais en réalité ça ne l’est pas.

 

Que devrait mettre en place les structures d’accueil pour qu’une personne LGBT et vivant avec le VIH comme toi soit bien ?

Il faut vraiment des soins appropriés. Moi je souffre par exemple actuellement d’une incontinence urinaire, eh bien j’appréhende le moment où il faudra que je puisse porter des couches parce que beaucoup de comorbidités sont liées à des problèmes rénaux. Moi j’ai eu d’autres problèmes qui sont liés à des traitements chimiques antérieurs qui fait qu’on m’a démoli un peu tout ce qui est vessies et prostate, donc là, je suis obligé de me lever la nuit au minimum cinq fois donc il faut que je puisse m’assumer. Donc si je dois à un moment donné recourir à une personne extérieure, ou bien je paye une garde malade et ça ça va encore accélérer le coût, ou bien j’intègre une structure où je serai pleinement dépendant et c’est pas pour autant que je vais être soigné, c’est-à-dire que là j’ai peur d’être plus ou moins abandonné dans mes excréments. Donc ce n’est pas la solution non plus. Voilà. La solution c’est qu’on puisse encore échanger. Echanger entre personnes qui ont un peu les mêmes problèmes, se soutenir mutuellement et ça ça manque un peu dans ce genre de résidence où c’est plus chacun pour soi. Tant mieux si ça se passe bien, si ça se passe pas bien il y a toujours une solution, mais cette solution… on ne peut pas anticiper. Donc on est obligé de se laisser vivre, d’essayer de ne pas y penser, et d’essayer d’être positif mais ça ce n’est pas facile du tout. Et donc garder une espèce de moral et je constate que même des gens qui sont autonomes, en bonne santé, ont des moments de détresse qu’on ne peut pas nécessairement soulager.