Couple sérodifférent, « quand on aime, la maladie doit-elle être un obstacle ? »

Avec l’évolution de la science et l’avènement du concept de i=i (indétectable=intransmissible), le VIH ne devrait plus être un obstacle dans une vie de couple, « car une personne vivant avec le VIH sous traitement avec une charge virale indétectable ne transmet plus le virus ni à son partenaire ni à son enfant ». En d’autres termes, une personne vivant avec le VIH peut avoir des relations sexuelles sans préservatif avec un·une partenaire séronégatif·ve sans risque de transmission.

Que veut dire être en couple sérodifférent ou sérodiscordant ?

On parle de couple sérodiscordant ou sérodifférent quand un des partenaires est séropositif au VIH et l’autre séronégatif.

Comment préserver sa santé et celle de son partenaire dans un couple sérodiscordant ?

Le moyen sûr est le maintien de la charge virale au niveau indétectable pour le·la partenaire séropositif·ve par une prise correcte du traitement comme indiquée par votre médecin. Si votre couple n’est pas stable l’utilisation du préservatif masculin ou féminin vous permettra de vous protéger contre les autres Infection Sexuellement Transmissibles (IST) étant donné que i=i empêche seulement la transmission du VIH. Au cas où le·la partenaire séronégatif·ve aurait du mal avec le préservatif, il·elle pourra demander la PrEP pour se protéger contre le VIH en dehors du couple et ainsi avoir un suivi régulier pour les autres IST.

En cas de désir d’enfant il est conseillé d’en parler à votre médecin spécialiste du VIH qui vérifiera que votre traitement est compatible avec la grossesse. Rester sous traitement durant toute la grossesse vous évitera de transmettre le VIH à votre enfant.

N’hésitez pas à parler aux professionnel·les de la santé qui vous accompagnent (médecin, psychologue, sexologue, gynécologue, etc.) pour tout autre problème de santé sexuelle et affective qui pourrait affecter votre couple.

A quoi ressemble la vie de couple sérodiscordant ?

Peter et Dado nous partagent leur expérience.

Depuis combien de temps êtes-vous en couple ?

D : Depuis cinq ans.

A quel moment avez-vous décidé de lui dire pour votre séropositivité ?

P : Dès le début. On s’est rencontré sur une plateforme internet et nous avons chatté pendant longtemps.

D : Quarante-huit heures !

P : Quarante-huit heures (rires). Après on a décidé de se voir parce que nos discussions étaient vraiment chouettes. Alors j’ai pensé que c’était mieux de prendre toute l’information que j’avais pour lui dire que j’étais séropositif. J’ai pris une petite carte avec i=i et le dossier complet qui explique indétectable. Si je tombais amoureux de ce gars-là au premier regard, c’était plus honnête de l’en informer dès le début plutôt que d’avoir des problèmes après.

D : On sentait déjà une connexion entre nous deux.

P : Ah oui !

D : Quand il m’a dit on va se rencontrer, on va aller prendre un café, il a ajouté qu’il avait quelque chose à me dire. J’ai cherché un peu sur Google et j’ai compris que c’était ça, car j’ai vu qu’il avait fait un livre et qu’il était séropositif. Je me suis dit « ok, on y va ! ». J’adore ce gars par message, donc on va voir ce que ça donne. On est donc allés au café, et ce ne fut pas le premier sujet de discussion. On a parlé de toute notre vie pendant deux heures, et à la fin, il a commencé « j’ai quelque chose à te dire ». C’est là qu’il m’a dit.

P : Mais tu connaissais déjà bien le sida, tu portais toujours le ruban rouge, mais tu n’avais jamais rencontré quelqu’un qui était effectivement séropositif.

D : Après qu’il m’ait dit qu’il était séropositif il m’a dit qu’il m’aimait comme j’étais. Je lui ai dit moi aussi, je t’aime. Il a sorti son dossier avec toute l’information, il m’a expliqué c’est quoi indétectable=intransmissible. En une milliseconde de doute je suis revenu sur tout ce que j’avais appris par le passé. « La transmission se fait par rapport sexuel donc si tu lui fais un câlin, que tu l’embrasses, il n’y a rien qui va se passer », alors j’ai dit… ok, aucun problème !

P : A l’époque indétectable=intransmissible c’était encore un peu nouveau, c’est pour ça que je suis venu avec l’information car peu de personnes la connaissaient. L’étude Partner venait de sortir.

D : Cette étude confirme qu’il n’y avait pas de risque de transmission du VIH avec une charge virale indétectable, et même moi qui me tenait informé je n’en avais pas entendu parler. Mais je lui ai fait confiance. Après ça il m’a envoyé des articles, j’ai tout lu, et on s’est lancé. On s’est revu le soir-même, j’avais déjà tout accepté. C’était comme si on se connaissait depuis des années.

Avant Dado en avais-tu déjà parlé à d’autres personnes ?

P : Oui. Parfois il y a des personnes qui reçoivent l’information, qui font leurs propres recherches sur internet et se disent « peut-être ce sera moi la première personne à être infectée par une personne avec une charge virale indétectable, alors je ne crois pas la science à 100% ». Il n’y a pas de personne bête ou intelligente, mais toujours des gens qui doutent.

On sait que beaucoup de gens n’osent pas avouer leur séropositivité à cause de la peur du rejet, alors que c’est important pour être rapidement fixé et ne pas perdre de temps.

P : C’est un combat interne. Si je ne l’avais pas dit à Dado la première fois et que j’étais tombé amoureux de lui, que je doive lui dire ça trois mois après ? Ça peut causer plus de mal car je peux le perdre et en souffrir. Ce n’est pas facile, mais je pense que le dire directement est le mieux.

D : Pour moi c’était l’honnêteté et la sincérité tout d’abord, c’est déjà une qualité géniale.

Et le courage !
Au quotidien est-ce que la question du VIH se pose ?

P : Non, si je me coupe avec un couteau Dado va directement me soigner. La seule chose c’est que je vais chez le docteur tous les six mois pour l’analyse de sang, et je lui montre le résultat qui atteste que je suis toujours indétectable. Ça le rassure, et ça me rassure, car je ne pourrais plus vivre si je sais que je l’ai infecté. Je ne prends pas mes pilules que pour ma santé, aussi pour lui.

D : Chaque soir il met son alarme et c’est moi qui vais chercher les médicaments. Tous les jours ! Parce que c’est pour notre santé à tous les deux.

P : C’est un petit détail mais une fois il n’a pas été chercher les pilules spontanément, et je le lui ai fait remarquer. Je trouve ce geste tellement beau.

D : Même si je deviens séropositif on continuera ensemble. Grâce aux médicaments, le VIH n’est plus une raison de s’arrêter dans la vie.

Est-ce que les problèmes de santé ou le regard des autres vous impactent ?

P : On est chanceux parce que c’est vraiment rare que je sois malade.

D : C’est plutôt moi le problème, ha ha ha ! Je suis toujours malade ! Lui il a une méga santé et il est sportif.

P : Il est un peu plus fragile.

D : Quand on s’est rencontré j’étais vraiment maigre, depuis que je suis avec lui je suis plus sportif, je suis devenu une bête comme lui. J’avais presque l’air un peu malade.

 

Et l’entourage ?

D : On est sur instagram et toute ma famille nous suit, donc on a fait toute une vidéo liée à ça. J’ai dit à ma mère en premier, avant qu’elle ne voit la vidéo « on te l’a peut-être déjà dit ou mentionné que Peter est séropositif, mais on en a jamais parlé ». Elle m’a dit qu’il n’y avait rien à parler ! Elle a été voir sur internet ce que son fils allait vivre et elle a trouvé l’information comme quoi si Peter prenait bien son médicament tous les jours, son fils ne prenait aucun risque. Une autre fois nous l’avons appelé pour que Peter lui demande ma main. Elle m’a demandé « est-ce que Peter, tu l’aimes ? » et je lui ai répondu « Si Signora ». Elle a dit « Peter, merci, je vous donne ma bénédiction, vous pouvez vous marier. Et toi mon fils tu as trouvé le bon ». Pour elle le VIH ce n’est pas un facteur, le plus important c’est l’amour. Le jour de notre mariage, on a dit à ma filleule qui était notre témoin que Peter a le VIH et elle lui a sauté dessus pour lui faire des câlins et des bisous partout. Elle lui a dit « Peter mon oncle, je t’aime encore plus ». Nous sommes partis à New York à la Pride avec mon neveu. Nous portions tous les trois des teeshirts avec i=i. Toute la famille nous soutien et les amis aussi, et même au travail car je travaille pour l’ambassade du Canada.

Quels conseils pouvez-vous donner aux partenaires sérodifférents ?

P : Le conseil que je donnerai aux autres PVVIH, c’est de le dire le plus vite possible. Tout dépend du caractère. Moi j’ai pris l’information scientifique pour donner l’information et non pour convaincre. J’ai un ami qui a été étonné et qui est allé chez SENSOA à Anvers pour parler avec des professionnels et s’ informer. Il faut aller étape par étape, car ce n’est pas facile de le dire, c’est pourquoi nous sommes activiste pour dire que i=i existe et que tout le monde doit le savoir. Être honnête c’est quelque chose qui est apprécié par beaucoup car ils se disent que s’il est honnête là-dessus, il doit l’être aussi pour les autres choses de la vie. Dado et moi sommes tombés amoureux dès qu’on s’est vu. S’il m’avait rejeté ça m’aurait beaucoup fait souffrir.

D : Si vous avez des doutes ou des craintes à l’idée de commencer une relation avec quelqu’un de séropositif, pensez qu’on est en 2023. Il y a la science, il y a des cas, des exemples comme nous. Il est indétectable et après presque 5 ans de relation sans protection, je suis toujours séronégatif. Si tu tombes amoureux de quelqu’un tu dois y aller. Ce jour-là quand il m’a dit « je pense que je suis déjà amoureux de toi, je me suis dis que j’étais chanceux parce que on a eu tous les deux un coup de cœur l’un pour l’autre. Il y a un million de poissons dans l’océan, moi j’ai attrapé un poisson positif, je suis tombé amoureux de lui tout de suite. Qu’est-ce que je fais ? Je le lance à l’eau ? Mais non ! Je garde mon poisson et regarde, ma vie a changé, elle est devenue meilleure. Tombe en amour, le VIH n’est plus un facteur pour dire non aux autres. Alors oui à l’amour !

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