Femmes et vulnérabilité au VIH

Contexte général

Selon l’ONUSIDA, les femmes et les filles représentent 54% des 38,4 millions de personnes vivant avec le VIH à travers monde en 2021.En Belgique 61 % des diagnostics de VIH parmi les hétérosexuels originaires d’Afrique subsaharienne et 32 % parmi les hétérosexuels de nationalité belge en 2021 étaient des femmes.

Ces chiffres montrent l’importance de définir les femmes et plus particulièrement les femmes issues de la migration en tant que public prioritaire des programmes de prévention du VIH. Notamment en mettant en place des actions ciblées tenant compte des spécificités de ce public pour réduire la prévalence* chez la femme et les jeunes filles afin d’atteindre les objectifs de l’ONUSIDA et mettre fin à l’épidémie du VIH.

Inégalités de genre et VIH

Plusieurs recherches et études mettent en avant le genre comme facteur de vulnérabilité qui engendre des inégalités entre les hommes et les femmes dans nombreux domaine de la vie (décisionnel, social, politique et économique). C’est ce qu’on appelle les inégalités de genre. Celles-ci peuvent avoir un impact sur la santé y compris la santé sexuelle et l’épanouissement de la femme.

Parmi ces inégalités de genre qui impacte la santé sexuelle on peut citer entre autres :

  • Les inégalités culturelles, sociales, éducationnelles et économiques réduisent la capacité des femmes et des jeunes filles à faire face à l’épidémie du VIH. Elles les empêchent par exemple, d’avoir accès à l’information et aux outils de prévention et de ce fait de prendre en soin leur santé sexuelle. Ceci les maintient sous la dépendance des hommes et limite ou réduit leur pouvoir décisionnel y compris pour leur santé sexuelle.

  • Les violences sexuelles fragilisent et rendent les femmes plus vulnérables au VIH et autres infections sexuellement transmissibles.

  • Les difficultés relationnelles au sein des couples, sont défavorables à l’épanouissement des femmes et à la prise en charge correcte de leur santé globale.

Impact des inégalités de genre sur la santé des femmes vivant avec le VIH

Les inégalités de genre ont des répercussions lors de l’annonce de la séropositivité aux partenaires. En effet, les femmes de façon générale consultent plus que les hommes que ça soit lors de suivi de grossesse ou de suivi gynécologique de contrôle, elles sont donc souvent diagnostiquées en premier pour le VIH et les autres IST. Par conséquent, elles sont parfois confrontées aux difficultés d’annoncer leur statut sérologique à leur partenaire et/ou de l’amener en consultation pour réaliser un dépistage. En cas de résultat positif du partenaire elles s’exposent à des disputes, des violences, du chantage voire même la séparation du couple ou à être désignée sans preuve comme celles qui ont ramené le VIH dans la famille.

La peur de l’annonce de sa séropositivité, les violences vécues par les femmes séropositives (rejet, stigmatisation, maltraitance,) au sein des couple peuvent conduire certaines à renoncer à la sexualité et à toutes relations affectives. Cette solitude affective a un impact important sur leur bien-être émotionnel. D’autres n’ont pas le choix que d’accepter de vivre dans la violence par peur de se retrouver à la rue et sans revenus car elles sont dépendantes financièrement de leur partenaire. Certaines d’entre elles subissent également de la pression familiale, culturelle ou religieuse. Parmi celles qui font le choix de quitter un partenaire violent, certaines se retrouvent obligées d’avoir recours à la prostitution pour subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille, parfois sans avoir la possibilité d’imposer le préservatif comme moyen de protection pour les autres maladies sexuellement transmissibles quand leur charge virale est indétectable.

Les inégalités de genre se répercutent également au niveau biologique. En effet, l’infection au VIH et ses conséquences sur la santé ne sont pas les même chez les femmes et les hommes. Par exemple, les femmes vivant avec le VIH déclarent souvent une ménopause précoce, des problèmes d’ostéoporose et d’autres pathologies qui n’affectent que les femmes et qui impact leur bien-être général.

Les femmes sont également des oubliées des recherches cliniques qui ne tiennent pas toujours en compte de leurs spécificités biologiques ou morphologiques propres qui pourraient limiter les effets indésirables liés aux médicaments.

De l’espoir pour l’avenir

Heureusement I=I (indétectable = intransmissible) est venue soulager le poids qui pesait sur les femmes par rapport à leur culpabilité et leur responsabilisation de transmission du VIH. En effet, avec l’évolution de la science comme tout autre personne vivant avec le VIH avec une charge virale indétectable, la femme vivant avec le VIH ne transmet plus le VIH ni à son enfant ni à son partenaire.

Les femmes commencent également à sortir de l’ombre pour dénoncer les violences subies et trouver l’aide nécessaire afin de prendre en main leur vie et leur santé sexuelle. Cela souligne l’importance de les renforcer davantage pour qu’elles prennent plus d’assurance et soient en mesure de refuser et de dénoncer tout abus ou exploitation qui entraveraient leur bien- être physique, sexuel, affectif et mental. Il est aussi important que les services que fréquente les femmes vivant avec le VIH soient plus accueillants, bienveillants et sans jugement pour répondre à leurs besoins spécifiques (désir d’enfant, sexualité et santé sexuelle, etc,…).

Et si on écoutait l’avis des femmes vivant avec le VIH?

Jade (nom d’emprunt)

« Être une femme vivant avec le VIH 

Tout d’abord revenons sur ce qu’est une femme à notre époque. C’est une femme qui dans la majorité des cas travaille, qui assume avec son compagnon ou seule toutes les charges de ménage. C’est aussi une femme à part entière avec des envies et des besoins. C’est souvent une maman ou une maman en devenir.

Alors quand on apprend que on est séropositive on se pose plein de questions. Mais celles-ci varient aussi de notre situation.

Si vous êtes jeunes et que vous espérez fonder une famille vous vous demandez si vous trouverez le compagnon qui vous acceptera. Vous vous demandez aussi si votre enfant souffrira du HIV.

Si vous êtes plus âgée comme moi quand je l’ai appris vous vous dites que votre vie est déjà bien pleine. Mais comme pour les jeunes trouver un compagnon reste un point délicat.

Le rapport avec la relation à l’autre est un sujet qui est difficile à aborder, comment dire à son compagnon (tout neuf) que nous sommes séropositifs. Comment va t-i réagir. Il est vrai que grâce à la prise de médicament et le fait que l’on ne peut plus transmettre le virus cette question est plus facile à aborder mais encore faut-il que la personne en face de nous soit suffisamment ouverte et à l’écoute pour le comprendre et l’accepter.

Vivre avec le VIH c’est aussi au quotidien prendre un médicament. Parfois il est difficile d’affronter les questions des personnes en face de nous et qui ne sont pas au courant de notre situation. Alors on invente un problème qui nécessite une prise de médicament pour ne pas devoir donner d’explication.

C’est aussi craindre l’exclusion en annonçant à nos proches, nos amis, ou au travail notre séropositivité.

Mais je tiens à vous dire, que depuis que la notion I=I est rentrée dans ma vie je ne suis plus inquiète et j’ose annoncer ma situation. Je vous avoue quand même que je ne le crie pas sûr les toits mais je ne me cache plus.

Alors mesdames vous qui êtes des êtres d’exception avec tant de force. Vous qui menez de front tant de chose n’ayez plus peur de ce que vous êtes. Vous êtes juste une femme vivant avec une maladie chronique qui mérite l’amour, la tendresse et toutes les belles choses que la vie peut vous apporter.

Soyez fière de vous et de ce que vous êtes ».

Sofiane (nom d’emprunt)

« En tant que femme vivant avec le VIH depuis bientôt 30 ans je me sens plus rassurée qu’avant. Je parle par rapport aux traitements qui se sont beaucoup améliorés. Malgré une longue liste d’effets secondaires il y a un grand progrès. J’ai l’espoir que si tout le monde s’y met le VIH pourrait diminuer considérablement. Si la femme qui est suivie ne peut plus transmettre le virus à l’enfant ni à son partenaire (I=I) c’est déjà un très grand pas ! Mais à côté de tout ça, le VIH reste une maladie très honteuse. Beaucoup de préjugés même dans le milieu médical alors que là tout le monde est censé être informé.

Nous les femmes nous hésitons souvent de dévoiler notre statut sérologique par peur d’être jugées. Vu que c’est comme un secret avec lequel on vit, on a aussi peur qu’il soit divulgué. Même dans les associations que je fréquente, il y a beaucoup de femmes que d’hommes. Il paraît qu’il y a des hommes qui croient que s’ils sont circoncis, ils ne peuvent pas attraper les IST. Alors les femmes sont victimes de leur ignorance alors qu’elles font attention de leur côté.

Actuellement, malgré les avancées thérapeutiques il y a encore beaucoup de femmes mal informées alors que ce sont elles qui sont à risque de transmettre le virus en accouchant ou en allaitant l’enfant. Il faut continuer les campagnes d’information encore plus pour lutter contre l’ignorance. Le VIH si tu es bien suivi, il ne te fait pas mal comme le cancer ou le diabète etc. mais il y a toujours chez nous les femmes cette souffrance morale. Nous nous cachons par peur des préjugés qui s’ajoutent aux traitements lourds que nous prenons. On essaie d’être fortes mais des fois il y a encore beaucoup de facteurs qui nous découragent. »