Non au virus de la discrimination et de la stigmatisation dans le milieu médical

Constat

Nous, personnes vivant avec le VIH (PVVIH), souhaitons, à travers ce texte, attirer l’attention de tou·tes les professionnel·les de la santé sur l’impact néfaste de la discrimination et de la stigmatisation sur notre santé et notre qualité de vie.

Bien que le milieu médical soit le lieu central de soins, d’informations sur la vie avec le VIH et que la confidentialité est de mise, on y trouve malgré tout des comportements stigmatisants et discriminatoires de la part de certain·es professionnel·les de la santé.

Selon une enquête de 2020* réalisée dans 11 pays européens sur la discrimination à l’encontre des PVVIH dans le milieu médical, il n’est pas rare que les PVVIH soient confrontées à des formes de comportements discriminatoires. Dans l’ensemble, la forme de discrimination la plus couramment signalée est le refus de soins (33,6% d’occurrence dans les cabinets dentaires français dont 78% sont le fait du secrétariat au moment de la prise de contact), suivie de la prestation de soins à la fin des heures de consultation. D’autres formes de comportements stigmatisants signalés, qui ne constituent pas une forme de discrimination, comprennent des questions inappropriées, une attitude négative ou de jugement, l’évitement des contacts physiques et l’adoption de mesures d’hygiène excessives (6% des répondant·es kirghizes ont rencontré cette forme de stigmatisation auprès d’infirmier·ère dans des services non spécialisés pour le VIH, et 10,3% dans des services spécialisés pour le VIH). La source de ces problèmes réside généralement dans le manque de connaissances concernant le VIH/SIDA parmi les professionnel·les de la santé.

Les atteintes à la confidentialité ont également été fréquemment signalées parmi les mauvaises pratiques (28% des répondant·es allemands ont signalés que la mention VIH avait été marquée de façon visible sur leur dossier médicale au cours de l’année écoulée) et les soins dentaires ont été marqués comme étant les plus problématiques (42,5% des répondant·es tchèques sont concerné·es).

Pourtant, aujourd’hui, une PVVIH qui suit son traitement et a une charge virale indétectable ne transmet plus le virus, la discrimination et la stigmatisation n’ont donc pas lieu d’être. C’est ce qu’on appelle i=i (indétectable = intransmissible). De plus, en Belgique, la loi interdit les différentes formes de discrimination fondées sur l’état de santé actuel ou futur d’une personne, sur les critères raciaux, l’orientation sexuelle, le genre, etc.

D’autres subissent encore des discriminations institutionnelles et se retrouvent dans des situations sociales et économiques précaires liées à leur situation de non droit, sans séjour, sans logement, qui peuvent impacter leur santé.

*Discrimination against people living with HIV with healthcare settings, a comparative 11-country report (AIDS ACTION EUROPE, Juillet 2022)

La stigmatisation et la discrimination, c’est quoi ?

La stigmatisation liée au VIH fait référence aux croyances, sentiments et attitudes négatifs à l’égard des PVVIH et des autres populations clés à risque plus élevé d’infection par le VIH (par exemple, les travailleur·euses du sexe ou les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes). C’est le préjugé qui accompagne l’étiquetage d’un individu comme faisant partie de la communauté séropositive.

La discrimination liée au VIH fait référence au traitement inéquitable et injuste d’un individu sur la base de son statut sérologique réel ou supposé. La discrimination liée au VIH est généralement fondée sur des attitudes et des croyances stigmatisantes. La stigmatisation fait référence à des croyances et des attitudes internes propres à la personne, alors que la discrimination se manifeste dans le comportement de cette personne.

« Je suis allée chez une jeune médecin qui m’a demandé quels médicaments je prenais. Quand je lui ai dit, elle s’est exclamée : « Ah ! vous avez le SIDA ! » Non, je n’ai pas le sida ! Elle était hésitante pendant l’examen médical. Ça m’a énervé et j’ai préféré changer de médecin. »

 

« Lors d’un scanner, les professionnel·les me touchaient à peine, comme si j’étais sale ou qu’ils·elles avaient peur d’être contaminé·es. »

 

Les conséquences de la discrimination et de la stigmatisation

La discrimination et la stigmatisation suscitent des sentiments de rejet, d’injustice, de colère et de découragement, entraînant à leur tour des effets sur la santé de la personne. Ces sentiments sont intensifiés par le fait que cette discrimination et cette stigmatisation proviennent des personnes supposées nous accompagner et nous soigner.

Discriminé·es ou stigmatisé·es, certain·es patient·es perdent pied, abandonnent leur traitement et ne consultent plus. La méfiance envers le milieu médical s’installe, poussant certain·es à ne pas révéler leur séropositivité, à mentir ou à retenir des informations sur leur santé pouvant mener à de mauvais diagnostics et donc à de mauvais soins.

Il en résulte également des conséquences psychologiques importantes qui vont du repli sur soi à la dépression et l’auto-exclusion.

« Ces comportements ne sont pas humains, c’est choquant, frustrant, ça me met en colère. Comme si j’étais un extraterrestre qu’il fallait éliminer. Leur rôle c’est de sauver les gens ! Ça me casse tout ce que j’ai construit pour accepter ma maladie. Est-ce seulement moi ou ces gens se comportent-ils comme ça avec les autres ? Serais-je obligée de changer de prestataire de soin quand c’est comme ça ? »

 

« Jusqu’à aujourd’hui à chaque fois que je vois un·e nouveau·elle prestataire de soin j’ai peur, je ne me sens pas bien. Il suffit de recevoir des commentaires désobligeants une fois pour que ça bloque sur le long terme. »

 

« Je ne me sens pas comme un humain. Je me juge moi-même, je me condamne, au point que j’hésite à aller à des rendez-vous ou que je les reporte. »

 

« A toute personne qui n’est pas infectiologue, j’explique ma maladie, car je me rends compte que beaucoup ne sont pas informé·es. »

Messages des PVVIH

Aux professionnel·les du milieu médical :

  • Appliquez les mesures de précautions universelles sans distinction, car certaines personnes ne savent pas qu’elles sont infectées et vous pourriez transmettre le virus à d’autres patient·es.
  • Soyez sans crainte face à une personne qui vous annonce son statut sérologique. Elle prend un traitement et ne peut plus transmettre le virus. Vous l’annoncer est une preuve de responsabilité et de confiance de sa part.
  • Renouvelez vos connaissances sur le VIH afin de suivre l’évolution de la science, formez-vous au counseling et à l’annonce de la séropositivité.
  • Acceptez-nous sans jugement dans nos spécificités médicales et dans nos différences (orientation sexuelle, origine, genre, statut de séjour, etc.).
  • Vos attitudes stigmatisantes, vos protections excessives, ne font que nous mettre mal à l’aise, détériorent notre relation et notre confiance envers vous et affectent notre santé mentale.

Aux PVVIH :

  • Faisons valoir nos droits et refusons toute forme de stigmatisation et de discrimination.
  • Évitons l’auto-exclusion et l’isolement qui peuvent avoir des effets néfastes sur notre santé physique et mentale, trouvons une personne de confiance pour ne pas porter seul·e le fardeau.
  • Optons pour la non-violence face aux remarques et attitudes désobligeantes par rapport à notre santé.
  • Rejoignons un groupe de pair·es pour nous soutenir et nous renforcer mutuellement, osons demander de l’aide.
  • Ayons le courage de signaler les discriminations et de porter plaintes.

« Je prends l’engagement solennel d’œuvrer toujours de mon mieux pour une médecine de qualité, au service des personnes et de la société. […]

Je ne permettrai pas que des considérations d’âge, de maladie ou de handicap, des convictions philosophiques, des considérations d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou tout autre facteur s’interposent entre mon devoir et mon patient. […]

J’actualiserai et partagerai mes connaissances médicales au bénéfice du patient, ne dépasserai pas les limites de mes compétences et contribuerai autant que possible aux progrès de la médecine. » (extrait du Serment du Conseil national de l’Ordre des médecins de Belgique (version novembre 2021))