Qu’est ce qui a changé 40 ans après l’arrivée du VIH ?

1981-1982 : Les premiers cas de SIDA apparaissent aux Etats-Unis au sein de la communauté homosexuelles, la maladie est officiellement nommée en 1982 et les scientifiques comprennent qu’elle se transmet par voie sexuelle.

« La pandémie a commencé alors que j’entretenais une relation stable avec mon compagnon depuis 1982. Pendant toute la durée de cette relation, je n’ai pas eu à me préoccuper des risques possibles de transmission. Cette stabilité relationnelle ne nous a pas empêché d’être parfaitement informés sur les caractéristiques et l’évolution du VIH.

J’en étais arrivé à me dire et me répéter que j’avais eu une chance extraordinaire de pouvoir vivre une relation totalement épanouie pendant tant d’années, sans avoir à m’inquiéter ni à prendre de précautions particulières, alors que de pénibles, voire fatales conséquences frappaient bien des gens autour de nous. » L.J.

 

2002 : Le VIH est la cause principale de mort chez les personnes âgées de 15 à 59 ans dans le monde. Mais depuis 1996, une trithérapie antirétrovirale est disponible pour les personnes infectées.

« C’est très sereinement, mais aussi très prudemment, que j’ai entamé une nouvelle relation au cours de laquelle mon partenaire et moi, voulant nous libérer de certaines contraintes, avons décidé de nous rendre au centre Elisa. Les résultats des tests sanguins ont révélé une situation à laquelle nous ne nous attendions pas, certains d’avoir jusqu’alors pris toutes les précautions d’usage, … si ce n’est… le « petit détail » d’une rupture récente de préservatif à laquelle nous n’avions alors guère prêtés attention.

Séropositivité confirmée de mon partenaire, suspicion de séroconversion en cours pour moi ,tel était le diagnostic qui s’abattait sur nos épaules, entraînant chez mon partenaire la ferme intention de se précipiter sous les roues du premier tram venu.

Dirigés tous deux en urgence vers le CETIM, j’ai eu, pour ma part, la chance d’être pris en charge par un médecin qui m’a immédiatement mis sous traitement en attendant la confirmation ou l’infirmation de la suspicion formulée au centre Elisa. Une seconde prise de sang, effectuée deux mois plus tard, confirmera l’infection.

Alors partisan encore minoritaire d’une mise sous traitement aussi rapide que possible des patients infectés, ce médecin, par sa décision, m’a d’emblée placé dans une situation médicale on ne peut plus favorable, situation qui a perdurée sans accroc jusqu’à aujourd’hui.

Je ne peux que faire le constat d’avoir été particulièrement privilégié et chanceux face au VIH. Privilégié et chanceux d’avoir vécu aux côtés d’un compagnon stable avec lequel j’ai traversé sereinement les années les plus sombres de la pandémie. Malgré l’accident ayant entrainé ma contamination, privilégié et chanceux aussi d’avoir été médicalement pris en charge par un éminent spécialiste en qui j’ai d’emblée placé une totale confiance. Privilégié et chanceux d’avoir, à travers mes multiples contacts et mes engagements, rencontré de bien chouettes personnes, à côté desquelles, en d’autres circonstances, je serais probablement passé sans les découvrir, personnes qui m’ont rendu « plus riche » de leur vécu, et m’ont aussi permis de vivre ma séropositivité avec un regard plus serein. » L.J.

« Qui y aurait cru, qui aurait pensé que nous serions là aujourd’hui, à raconter notre parcours de vie entaché par des moments de désespoir face à la mort, de découragement face à la dégradation du corps, aux maladies opportunistes ou aux effets secondaires des médicaments. Bien que les premiers médicaments nous ont permis de rester en vie, ils n’ont pas empêché qu’une partie importante de nos pairs partent trop tôt. Il s’agit entre autres de l’AZT, de la DDC ou DDDI  Didanosine, du Zérit, du Crixivan et j’en passe, dont certains ont laissé des marques sur notre corps (lipodistrophie ou prise de poids).

Chaque matin je me dis : quelle chance d’avoir fait ce long parcours de combattant depuis 1986, d’avoir fait face à ces années sombres et des les avoir vaincues. Oui,je suis chanceuse de vivre à une époque où les gens bien informés n’ont plus peur de nous toucher ou de craindre que nous les contaminions lors de rapports sexuels, même sans préservatifs. Une époque où les parents ne craignent plus d’avoir des enfants contaminés par le VIH si leur charge virale est indétectable. Une époque où il existe des médicaments à ne prendre qu’une fois par jour et en un seul comprimé, ou en deux piqûres une fois tous les 2 mois. Une époque où on peut se projeter dans l’avenir avec une espérance de vie presque semblable à la population générale.

Nous sommes très heureux.ses de l’évolution de la science mais nous attendons aussi l’évolution des mentalités. Nous pourrions nous projeter bien mieux s’il n’y avait pas encore des préjugés, des rejets, des attitudes désobligeantes venant de personnes toujours ignorantes ou mal informées sur les modes de transmission du VIH.

Accrochons-nous donc à la vie, prenons bien soin de nous en prenant correctement nos traitements, en ayant un bon suivi médical de notre santé globale, en attendant peut-être le jour où nous verrons l’arrivée d’un vaccin contre le VIH ou d’un traitement curatif. » C.D.

En 2016, huit ans après « l’avis suisse » qui affirmait l’impact du traitement sur la transmission du VIH, aucun cas de transmission du VIH n’a eu lieu si la ou le partenaire avait une charge virale indétectable grâce au traitement antirétroviral, que ce soit dans la pratique clinique ou au travers d’études. En juillet 2016, les auteurs des deux grandes études de référence (PARTNER et HPTN052) ont publié les résultats finaux révélant zéro cas de transmission du VIH parmi les partenaires sexuels séro-différents lorsque la personne vivant avec le VIH suivait un traitement antirétroviral efficace et qu’elle avait atteint une charge virale indétectable. Depuis, on parle de i=i ou indétectable = intransmissible.

« C’est en 2002 qu’on m’a  annoncé que j’avais le virus, je vivais au Burundi. A cette époque, c’était difficile de trouver des traitements antirétroviraux. Tu pouvais les acheter par tes propres moyens ou rester là en attendant tranquillement la mort.

Aujourd’hui, c’est différent. Quand on te teste positif au VIH, on te met directement sous traitement et tu peux vivre normalement comme toute autre personne séronégative ; il suffit simplement de mettre en pratique les conseils de son médecin.

Quand j’ai appris ma séropositivité, des questions sont passées dans ma tête : Est-ce que je pourrai continuer mes études ? Est-ce que je pourrai me marier et avoir des enfants ? Aujourd’hui, je peux répondre sans me tromper à toutes ces questions : je peux me marier avec qui je veux, à condition que je l’aime et qu’elle m’aime (qu’elle soit séronégative ou séropositive), et nous pouvons avoir des rapports sexuels sans que je lui transmette le virus même sans utiliser de préservatif car ma charge virale est indétectable.

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Ce qui n’était pas possible 40 ans avant est possible 40 ans après. Grâce à i=i, on peut se mettre en couple avec une personne qui n’a pas le VIH sans peur de la contaminer.

Comme l’a dit Xavier Dolan : « Tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais. »

Si après 40 ans de lutte contre le VIH on peut arriver à ces progrès importants, on pourra même éradiquer le VIH si on n’abandonne pas et si chacun joue son rôle comme il le faut (les décideurs, les associations et les communautés).

Alors maintenons le cap !!! » F.B.